Mon mot à dire du lundi 4 avril 2018
Les mots du jour
Imbelle : qui n’aime pas la guerre
Prévariquer : transgresser une loi
Ductile : objet ou matière qui peut être étiré sans se rompre
Tarsier : petit singe de Malaisie
Géhenne : enfer
Grenouiller : boire beaucoup et aussi barboter
Souquenille : longue blouse de grosse toile qu’avaient les palefreniers au Moyen Age
Coquelin : jeune nigaud, niais
Lazzis : propos moqueurs
Simarre : longue robe d’apparat chez les seigneurs au Moyen-Age
Yatagan : sabre turc à lame recourbée
Gastrolâtre : qui adore la bonne chère
Ecrire un texte (en employant, si vous le souhaitez, les mots ci-dessus) dont le titre pourrait être : le photographe et les vieilles poules
Monsieur Pixel n’avait pas suivi les pas de son père et de sa mère. En effet, du côté paternel, les Michon, on s’était voué à la fabrication de fleurets – les fameux fleurets Michon ! Du côté maternel, les Duforme, on créait des bonnets depuis la nuit des temps : les célèbres bonnets Duforme. Non, monsieur Pixel (on l’aura compris, c’était un nom d’emprunt !) avait choisi de laisser s’exprimer sa fibre artistique en devenant photographe.
Tout petit déjà, il jouait avec son petit oiseau dans sa chambre noire ; il en ressortait les yeux rouges. Toutes les mises au point de ses parents n’y firent rien. Il poursuivait son objectif. Ce serait un cliché de dire, pourtant, qu’il n’avait aucune sensibilité. Ainsi n’aimait-il pas les pellicules graisseuses qui tombaient de ses cheveux mal lavés. Ou ne supportait pas d’être mis à l’arrière-plan sur le terrain de foot par ses camarades du samedi après-midi. Pourtant, à cause de cela, il développa une posture un peu distante, voire solitaire. Cela lui joua des tours à l’adolescence, en particulier pour approcher la gente féminine. Il se fit moult fois rabattre le caquet - ou la caquette ! Cela lui donnait la chair de poule. Refusant de se considérer comme une gallinacée mouillée, il se levait tôt et se couchait tôt pour aller voir les poules sur les trottoirs du quartier rouge. Qu’elles soient naines ou géantes, qu’elles aient des dents ou un dentier, qu’elles aient trouvé un couteau ou fait une bouche en cul de poule, il leur disait toujours après qu’elles l’aient invité à monter : eh toi, viens poupoule, viens poupoule !
Invariablement, elles le repoussaient, lui donnant leur fameux coup de pied de poule, et lui disant alors le non moins fameux : Roule ma poule ! Alors, vexé, Pixel repartait à la recherche de la bestiole aux œufs d’or.
Fort soucieux de voir leur rejeton aussi obsédé, ses parents décidèrent alors de lui offrir une cage qui fut installée au fond du jardin de la maison familiale. Il la protégerait par des fils barbelés pour éviter les renards et les roumains. Et surtout ils lui achetèrent une première poule faisane. Alors, ils baptisèrent la cage Raymond. Parce que la poule y dort !...
Puis très vite arrivèrent des poules d’eau, des poules du Capitole – dites toulousaines. C’est ainsi qu’il eut chaque jour des œufs de ces vieilles poules achetées au rabais. Il en eut une indigestion d’omelettes, de gâteaux, d’œufs durs, mi-mollets etc… Un jour, il battit les blancs et les oublia. Après deux semaines, l’odeur devint irrespirable dans tout le quartier. Et c’est par inadvertance qu’il fit tomber dans ce liquide pourri une feuille de son papier de tirage.
Il venait d’inventer une méthode révolutionnaire qui assura sa notoriété pour l’éternité !
(Proposition de Jean-Tristan)
Pourquoi Bertrand est-il devenu photographe ? D’abord parce qu’il était imbelle et souhaitait prévariquer la tradition familiale qui enjoignait aux jeunes gens de bonne famille de pratiquer l’escrime avec un yatagan.
Malgré les lazzis de ses frères, il avait tenu bon. Même s’ils le traitaient de coquelin, lui s’affirmait gastrolâtre et aimant grenouiller.
Sa passion de la photographie datait d’un séjour en Malaisie, effectué l’année de ses 20 ans. Il était rentré avec des dizaines de clichés de tarsiers, qu’il avait exposés lors d’un concours agricole et qui lui avaient valu le premier prix. L’année suivante, le thème de l’exposition était : « des vêtements caractéristiques du Moyen Age au 18 ème siècle ». Ses photos de souquenilles et de simarres avaient été utilisées à l’émission la caméra explore le temps et c’est là qu’était née son amitié avec Alain Decaux. Puis il avait été embauché pour adapter à la télévision les semailles et les moissons d’Henri Troyat et s’était passionné pour les fermes et plus particulièrement les poulaillers. Ses photos de volatiles avaient été achetées à prix d’or par les camemberts le Normand qui lui en commandaient sans cesse de nouvelles.
C’est ainsi qu’il avait engagé une correspondance de plus en plus assidue avec les héritières de la marque – deux demoiselles très respectables, jamais mariées et que l’on disait coiffées d’un chapeau vert. Il les photographiait sous leur meilleur jour (ce qui n’était pas toujours facile !) et il arrivait même à les faire paraître presque belles.
Aussi quelle ne fut pas sa surprise le jour où il lut une critique le traitant de photographe de vieilles poules !
Pour un peu, il aurait repris le yatagan familial !
(Proposition de Françoise)
Cet adepte de Niepce était gastrolâtre. Pour pourvoir à ses besoins dispendieux, il n’avait de cesse de photographier coquelins imbus d’eux-mêmes et vieilles poules déchues qui posaient, vainement revêtus de simarres luxueuses. Il aurait vraiment préféré s’occuper de jeunes filles, même couvertes de souquenilles, et aurait bien accablé des clients ordinaires de lazzi. Soucieux cependant de ne pas prévariquer les règles de politesse, et imbelle qu’il était, il vivait une véritable géhenne, réfrénant sans cesses les remarques désobligeantes qui menaçaient de franchir ses lèvres. Parfois même il allait jusqu’à imaginer un yatagan qui viendrait faucher la tête de ses « modèles ».
Afin de ne pas céder à ces morbides sollicitations, il eut un jour l’idée de faire figurer derrière eux un tarsier qui, par ses mimiques désopilantes le calmait quelque peu. Afin que l’animal ne s’endorme pas pendant les longues durées de pose, il le relia à lui par une laisse ductile : ainsi il pouvait à tout moment le faire bouger et se distraire de ses pitreries.
Cette idée plut beaucoup à tous ses confrères, eux aussi plus en proie aux vieilles poules et aux coquelins qu’à des nymphettes.
Notre homme décida donc de faire breveter son idée et devint dès lors très riche.
Désormais il put tout à loisir se régaler de caviar, d’ortolan et d’autres mets aussi rares que chers.
En somme, il avait, de manière détournée, découvert « les vieilles poules aux œufs d’or ».
(Proposition d’Henriette)
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